A la demande d'un tiers !
Il parait que j’étais fatigué. Très très fatigué. Grosse fatigue. Qui m’est tombée dessus sans crier gare. Sans crier rien du tout. Sans crier d’ailleurs. C’est amusant comme on est toujours le dernier à s’apercevoir de ce genre de chose quand ça vous arrive. Je n’ai pas du voir les signes avant-coureurs. Pourtant il parait qu’il y en a toujours, et dans mon cas précisément il y en avait beaucoup. Bon, enfin ça ce n’est pas moi qui le dis. Puisque je n’ai rien vu et que maintenant c’est trop tard. Du coup, je guette les signes après-coureurs. Mais ça, il parait qu’il n’y en a pas. Je reste vigilent quand même, il se raconte tellement de choses nimportequoitesques de nos jours.
Cette fatigue, c’est ma psy, la docteur Schneider, qui l’a diagnostiquée. Je ne sais pas si je vous en ai parlé déjà, de ma psy, nouvellement convertie à la Gestaltthérapie option Weltanschauung et qui est à ma santé mentale ce que le flan au caramel est au pudding praliné. Il parait, qu’après toutes ces années de consultations à 60 € les 20 minutes (tout de même !) auprès d’elle, et bien, la thérapie ne prenait pas sur moi. Par contre, elle, les 60 € elle les prenait bien auprès de moi. Preuve une fois encore, qu’une application peut être bijective, mais qu’une bijection n’est pas forcément une application.
Et puis, je le voyais bien, que ma psy, la docteur Schneider avait besoin de faire le break. Après tout ce temps. Et bien, elle l’a fait. Un nervous break down d’après ce que j’ai entendu dire. Moi je ne sais pas ce que c’est mais il semble que ce n’est pas joli à voir.
En ce qui me concerne, depuis que je suis arrivé ici, ça va plutôt bien. Les gens en blouses blanches qui viennent me voir me parlent très lentement, articulent bien et ne cessent de ricaner nerveusement. Les filles de salle sont aimables également, si on veut du rab à la cantine, c’est possible. En plus de ce que je pique dans les assiettes de mes voisins qui ne réagissent même pas. Je regrette simplement l’absence de soirées mondaines. Plus aucun carton d’invitation à attendre de Ben Ali ou d’Hosni Moubarak. Que vais-je faire à Pâques, si je suis sorti ?
En attendant alors, j’essaie de mettre les cubes rectangulaires, les triangles et les boules dans les espaces qui leur conviennent. Pour passer le temps, et amuser les gens en blouses blanches qui me surveillent et m’analysent, je fais semblant de ne pas y arriver du premier coup. Ni du deuxième. Entre nous, je ne fais pas semblant du tout mais je ne veux pas le leur dire.
Il est bien tout de même, ce système français de sécurité sociale. HDT qu’ils appellent cela. Hospitalisation à la Demande d’un Tiers. Vous rendez-vous compte que j’étais tellement « fatigué » que ma psy, la docteur Schneider (je vous en ai parlé ?), a du y recourir. Alors, m’y voilà. Depuis des semaines. Dans cet hôpital de jour. Enfin non, ce n’est pas ainsi que cela s’appelle. C’est un Accueil de Jour. C’est ouvert 7 jours sur 7. Toute l’année. Si vous aussi vous souhaitez essayer, vous pouvez appeler et faire hospitaliser le Tiers de votre choix. Parce que si vous vous présentez tout seul ça ne marche pas. Ben non, puisqu’il n’y a pas de tiers. Je sais, c’est un peu compliqué. Moi j’ai essayé une HDT de ma psy, la docteur Schneider, mais ça, paraît-il, ce n’est pas possible. De son côté, elle tente de traiter son nervous truc chose. Dommage. Maintenant que je suis un peu plus reposé et que j’ai davantage de temps, on aurait pu papoter.
En fin de journée, il m’est proposé un Accueil de Nuit. C'est-à-dire que je n’ai même pas besoin de bouger de là où je me trouve actuellement. Non. Ce sont les hommes et les femmes en blouse blanche qui changent autour de moi. C’est pratique. Et toujours aussi aimables. A me caresser le front, en repoussant mes cheveux en arrière, à me dire « mais oui, ça va aller ». On dira ce que l’on voudra : le système français de sécurité sociale est bien foutu.
C’est vrai, au début j’ai pensé que toutes ces blouses blanches autour de moi avaient tort. Et que ce n’était pas parce qu’ils étaient aussi nombreux autour de moi à avoir tort, qu’ils avaient raison. Mais ce n’est pas aussi simple que cela. D’ailleurs rien n’est simple, mais ça, je vous propose d’en parler un autre jour.