Activité dominicale comme de bien entendue

Publié le par antenor

Alors que pendant tout le week-end on n’a entendu parler que du mariage de Tom Cruise et Katie Holmes en Italie, j’ai décidé pour me changer les idées et dans l’espoir de me remonter le moral, d’aller me promener. Dans ces cas, le lieu de prédilection où il vous est le plus probable de me rencontrer c’est le cimetière du village. On y fait des rencontres presque ésotériques.
 
Rapidement, vous pouvez lier contact. Il vous suffit de vous approcher d’une tombe où se recueille quelqu’un en faisant mine de vouloir vous y recueillir également. J’en profite pour me livrer à un interrogatoire serré.
 
« Est-ce que vous vous y attendiez ? » Car on ne s’attend jamais à un décès, même lorsque la personne est en chambre de réanimation pendant 5 ans ou en coma et sous respiration artificielle pendant 10 ans. Ou encore, que le défunt était descendu à la cave pour chercher quelques pommes de terre qu’on avait prévu de manger à midi.
 « Que faisiez-vous au moment vous avez appris son décès ? » Je ne sais pas si vous vous en êtes jamais rendu compte, mais les gens adorent parler de ce qu’ils faisaient au moment précis où ils ont appris le décès : ils étaient en train d’étendre du linge, ou alors ils venaient juste de terminer la lecture du journal, ou alors sous le casque de séchage chez le coiffeur ce qui fait que « je n’avais pas entendu sonner le téléphone la première fois ». Comme si de parler de ce moment précis aide à dédramatiser le moment où l’on reçoit cette terrible information. Dédramatiser ! Je vous en foutrais ! Les moments forts il faut les vivre intensément, un point c’est tout !
« Quand je me souviens qu’il/elle venait tout juste de dire... » Parce qu’on se souvient toujours des dernières paroles du défunt(e). Comme si par une luminescence extraordinaire, ses dernières paroles étaient enfin devenues (plus) intelligentes et intelligibles.
« La dernière fois que je l’ai vu(e)... » Ca aussi on s’en souvient toujours très bien : on ne pensait pas du tout qu’il/elle allait « déjà nous quitter » car « ça avait l’air d’aller nettement mieux » (alors qu’on s’étonnait de savoir comment il/elle faisait pour être encore en vie) ou « je n’étais pas du tout au courant de sa maladie » ou encore « je le lui ai répété de ne pas rouler trop vite, mais personne ne m’écoute jamais »(remarque qui permet d’enchainer immédiatement sur la solitude de sa vie à soi).
« ah ça, sa mort crée un vide autour de nous. Il/elle va nous manquer ». C’est pour cela aussi qu’au cimetière je ne choisis de parler qu’avec des personnes où le décès est encore tout frais. On n’en ressent que mieux la douleur. Quelle authenticité dans l’émotion. La quintessence à l’état pur. Et puis, ces gens-là se repèrent facilement : ils ne sont pas (encore) pressés, ils ont l’air véritablement tristes, ils sont habillés en noir.
« mais bon, il/elle ne me laisse pas dans le besoin, au moins... ». C’est toujours ce que l’on croit jusqu’au jour de la lecture du testament.
 
Et enfin, vient mon intervention à moi quand on me pose la question « mais, vous connaissiez le/la défunt(e) ? » et là, je réponds avec un air très évasif « oh oui, très bien. Il/elle ne vous a sans doute jamais parlé de moi, mais nous étions très proches, savez-vous ». Devant les mines d’interrogation et les airs stupéfaits, je rajoute « mais si le/la défunt(e) ne vous a jamais parlé de moi, c’est qu’il/elle a du avoir ses raisons. Alors il vaut mieux respecter sa volonté et en rester là ». Ensuite, je prends mon air de contrition et d’abnégation des grands jours, je recule de quelques petits pas avant de me retourner pour faire semblant de repartir, je sanglote une ou deux fois, efface une larme imaginaire et je prononce juste le « pourquoi toi déjà » de manière assez audible.
 
Si la personne fraîchement veuve insiste pour connaitre mes rapports avec le/la défunt(e), je lui tiens son bras et je dis « s’il vous plait, restons amis. N’insistez pas. Il/elle ne l’aurait pas voulu. En sa mémoire ».
                         
Non vraiment : un dimanche au cimetière, moi, çà me redonne une de ces formes...
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C
Intéressant, ce serait amusant qu'on se croise tiens... un jour, ou un soir, dans un cimetierre sans savoir ^^"
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S
Ha oui, pour foutre la merde dans des familles déjà fragilisées par le deuil, t'es très fort q:^) !
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Y
Comme je suis aussi pragmatique de Byalpel, j'allais te poser exactement la même question. Sinon... ton papier est réellement excellent.
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B
c'est pas beau de piquer le bizness des copains (epictete) !et sinon, au cimetière, t'as levé de la petite ?
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M
Tu croix ?
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