L'heure de vérité (2)

Publié le par antenor

Retrouvez la 1ère partie de mon bilan médical, vétérinaire et clinique ici.

Dans l’immense résidence où je demeure, je suis vraiment bien entouré. Malgré les intrusions ponctuelles de cette idiote de Rousse, je ne peux pas me plaindre : c’est vraiment bien choisi. Le petit personnel est on ne peut plus attentionné. Tous les matins, des gens habillés en blanc, mais pas toujours les mêmes, viennent me rendre visite, me demandent si j’ai bien dormi, si je vais enfin mieux, si je me souviens de je ne sais pas trop quoi (accident, oui, je crois que c’est ça le mot). On ne me laisse seul à aucun moment donné : quand je me promène dans le parc attenant au domaine, une adorable gouvernante me prend au bras et me parle du passé. Je ne sais plus bien à quel moment j’ai recruté tout ce personnel, toujours est-il qu’il est aux petits soins.
Vendredi dernier, je ne sais pas pourquoi, ils ont organisé un petit jeu. Je devais m’allonger sur un lit à roulettes. Si j’acceptais de collaborer, m’ont-ils dit, ils me feraient visiter ma nouvelle maison sous des angles différents. J’ai accepté, et j’ai même eu droit à une petite graine. Heureusement, elle était sans chocolat. Allongé sur ce lit, nous avons traversé des couloirs, des galeries, pris l’ascenseur… Je ne devais pas paniquer, me disait-on. Paniquer : n’avaient-ils donc jamais entendu parler de ma conduite de vie (Retenue Abstinence Abnégation Contrition) ? Ensuite, affublé d’un pyjama tout neuf, et toujours allongé sur ce lit de fortune, ils m’ont introduit dans un immense bloc en béton, à moins que ce ne soit un cube tout en formica. Il y faisait bien chaud, et malgré un ronronnement étouffé qui m’a fait immédiatement croire à la présence d’un chat, l’absence de lumière m’a définitivement rassuré. Je me sentais bien au fond de ce tunnel, au point que je me suis agrippé à ce que j’ai pu quand ils ont voulu me retirer de là. Ils ont tiré le lit, mais je m’en suis libéré et je suis resté au fond. Je ne me souviens plus très bien de la suite, j’ai senti comme une piqûre et je me suis réveillé ce matin, avec un calme désertique à l’intérieur de ma tête. Il n’y avait rien qui puisse me troubler, me semblait-il. Rien, même pas et surtout pas une lumière allumée, aussi brillante puisse-t-elle être !
 

La tournée du matin du petit personnel qui vient me voir quotidiennement n’en fut que plus dramatique. Un docteur, qui n’était pas le docteur Schneider - mais spécialisé en résonance magnétique - m’a montré une plaque qui était censée représenter ce qui se passe dans ma tête. Il m’a expliqué que nous avons tous des petites lumières dans nos têtes, qui éclosent comme du pop-corn et qu’il est important qu’elles soient toutes allumées. Que moi j’étais dans une phase où j’essayais de les éteindre et que ce n’était pas bon du tout… Je peux vous dire qu’il m’a entendu. J’ai licencié tout le personnel sur le champ. Et maintenant, je suis là, dans cette petite chambre bien capitonnée, sans fenêtre, sans porte et sans lumière. Qu’est-ce qu’on est bien ! Mais qu’est-ce qu’on est bien !

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P
c'est toi que j'ai croisé?
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M
Je sais pas toi, mais moi, la petite lumière tout en bas à droite, là, j'ai jamais réussi à l'éteindre  .... : (
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T
Je propose de supprimer tout le petit personnel. Mais qui va faire les basses besognes?
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S
Ha le blog, ça fait partie de la thérapie. Et puis ça fait avancer le diplome de l'interne. C'est une Thèse avec un vrai Bond...
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B
En tout cas, c'est pas dans toutes les maisons qu'on te laisse accéder à un ordinateur pour écrire des insanités sur internet.Belle époque !
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